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La découverte de la théorie de l’évolution par le jeune Karl Popper

Karl Popper s’intéresse très jeune à la théorie de l’évolution de Darwin. Cette découverte précoce préfigure-t-elle de l’orientation future de sa pensée ?…

Certaines lectures, explique Karl Popper dans Toute vie est résolution de problèmes, peuvent revêtir a posteriori une importance fondamentale.

Ainsi est-il du livre Vers le pôle de Fridjtof Nansen, qu’il lit avant sa dixième année et qui, selon ses propres dires, lui fit prendre conscience de « l’importance des hypothèses aventureuses, voire des hypothèses aventurées[1] » dans le domaine du progrès scientifique.

On pourrait conjecturer que l’exposition précoce au darwinisme du futur philosophe a joué un rôle similaire dans l’élaboration de sa pensée. Par exemple, en lui faisant prendre conscience de la nécessité d’une confrontation des théories et hypothèses scientifiques à la réalité empirique.

Dans l’épistémologie falsificationniste, cette confrontation passe par la phase critique de l’acquisition du savoir qu’est l’expérimentation. Celle-ci permet d’éliminer les théories erronées, de la même manière que la sélection naturelle permet d’éliminer les organismes porteurs de mutations néfastes. Le philosophe fait lui-même ce parallèle entre le darwinisme et le réfutationnisme.

Ceci dit, il convient de ne pas négliger le fait que Karl Popper ne caractérise son épistémologie de “sélectionniste” ou de “darwinienne” qu’en 1961, soit presque 30 ans après la parution de sa Logique de la découverte scientifique.

La tentation uchronique, simpliste (seraient contenus, en germes, dans les expériences intellectuelles enfantines du philosophe, les futurs développements de sa pensée), est donc improbable, d’autant plus que Popper affirme que son épistémologie provient directement de ses réflexions sur la logique[2].

Postuler que le falsificationnisme est une application épistémologique du darwinisme revient à réinterpréter la genèse de cette théorie en partant de son achèvement. Afin de ne pas s’aventurer dans de telles conjectures, nous nous en tiendrons ici à l’évocation des faits, qui montrent illustrent simplement l’intérêt que ressent, très jeune, Karl Popper pour la théorie de l’évolution.

Dans La Quête inachevée, le philosophe dit de l’évolution qu’il a « toujours […] été prêt à l’accepter comme un fait », et que « Darwin et le darwinisme [l’ont] » depuis l’enfance, « fasciné[3] ».

C’est au cours de longues promenades dominicales effectuées dans les environs de la Vienne des débuts du XXe siècle qu’Arndt (un des membres du groupe des Monistes fondés par son oncle Joseph Linkeus-Popper) lui expose la théorie de la sélection naturelle.

Ces discours, rapportera-t-il plus tard, le dépassent alors infiniment (en 1912, il n’a que 10 ans). Il les trouvent néanmoins « tout à fait passionnants[4] ».

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Le bureau de son père (où se trouve un portrait de Darwin) contient une belle bibliothèque, dans laquelle on trouve la plupart des ouvrages traduits du naturaliste anglais[5]. On peut supposer que le jeune Karl Popper a eu l’occasion d’en lire, ou du moins d’en feuilleter, quelques-uns.

Popper affirme quoi qu’il en soit qu’à l’âge de douze ou treize ans il s’interrogeait sur l’origine de la vie, sur la nature des êtres vivants, et qu’il avait opté pour la théorie selon laquelle ces derniers s’apparentaient à « des flammes[6] ».


[1] POPPER Karl R., Toute vie est résolution de problèmes, Réflexions sur l’histoire et la politique, op. cit., p. 206.

[2] A noter que sur ce point, Michel Ter Hark met en doute la sincérité du philosophe, en affirmant que les origines de l’épistémologie de Popper se trouvent dans ses travaux sur la psychologie de la découverte. Cf. TER HARK Michel, « The psychology of thinking, animal psychology, and the young Karl Popper », in Journal of the History of the Behavioral Sciences, Vol. 40 (4), pp. 375–392, Automne 2004.

[3] POPPER Karl R., La Quête inachevée, op. cit., p. 236.

[4] BRUDNY Michelle-Irène, Karl Popper, un philosophe heureux, p. 34.

[5] Op. cit., p. 18.

[6] POPPER Karl R., op. cit., p. 19.

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